Album - Artéfact - KINEX KINEX

Album Review

Album: 
Album - Artéfact - KINEX KINEX
Artist: 
KINEX KINEX
Record Label: 
auto- produit
Style: 
indus/dark wave
Date: 
05/09/2022
Reviewed by: 
Preumont Michel

 Album -  Artéfact - KINEX KINEX

auto-produit

 

michel 

 

Deux ans après 'Neon Park',  Raphaël Haubourdin dégèle son projet Kinex Kinex  pour bricoler, à l'abri  dans son blockhaus,  un nouvel album qu'il dénomme, judicieusement,  ' Artéfact' .

Quand il t'a expédié les liens, tu ne lui as pas demandé où il avait caché Organic ou Graceland.

Tracklist:

1.
Megalodrame 03:59
2.
Loopback 03:56
3.
Une Apparence Personnelle 03:49
4.
The Day 05:20
5.
Injection 04:39
6.
Oh Please 05:10
7.
Never Return 03:26
8.
Merit 05:46
9.
Centennial Carillon 03:00
10.
Kamelia 06:32
 
 Music / Lyrics / Production / mix & pre mastering : Raphaël Haubourdin
 
Pochette futuriste , une sphère abstraite ou peut-être la tête d'une fusée prise de haut , désormais avec  l' informatique quantique tu peux tout réaliser.
 
Raphaël n'est pas le peintre de la beauté  ou de l'harmonie, et encore moins un adepte de la variété, comme le fantoche, révéré par toutes les gamines et leurs mémés, l'univers de Monsieur Haubourdin est sombre, angoissant , froid, opaque.
Pour bien te faire comprendre que tu n'assisteras pas à un vaudeville, il baptise la première plage ' Megalodrame' .
Tu te cales dans ton fauteuil en t'attendant au pire. Il fait horriblement  noir, une bande son industrielle, en quadriphonie, vient agresser tes cellules, puis une voix caverneuse, trafiquée, débite un sermon dans une langue intangible.
Tu imagines un train aveugle progressant dans un tunnel sans fin, petit à petit les sons s'asphyxient, une lueur blafarde pointe,  tu n'avais plus ressenti un tel sentiment d'anxiété depuis la sortie de 'Bela Lugosi's Dead' de  Bauhaus.
Mêmes sonorités indus pour démarrer  'LoopBack (Yeah)', un titre qui s'avère plus dansant que la tragédie précédente, ici, c'est comme si Einstürzende Neubauten virait tribal ( aargh le gimmick avec les wooden blocks), pas à la manière des Tanzanian Women All Stars, mais plutôt en  modalité The Slits.
Du white post punk funk salement addictif et propice à la transe!
En français dans le texte, 'Une Apparence Personnelle' mixe New Wave et  rythmes binaires, sur un  fond de boîte à rythmes tendu.
La voix, passée à l'auto-tune, crée une atmosphère fantomatique, du coup, ton cerveau, déjà altéré, imagine voir la tête déformée de l'homme en pleine crise d'angoisse que Edvard Munch a représenté sur sa toile la plus célèbre.
Toi, tu n'as pas poussé un cri, il est resté étouffé dans la gorge.
Retour au vocable anglais  sur ' The Day'.
On ne quitte pas les climats torturés: dadaïsme, krautrock, noise, no wave,  Körpermusik, expérimentations futuristes, voix sépulcrale,  s'enchevêtrent  pour te proposer une odyssée dans un espace cosmique irrespirable.
Le médecin insiste, il ne trouve pas la veine, il s'obstine, ton cerveau va exploser, bordel,  tu l'as pratique ton ' Injection'!
 Boum, boum, boum, que ça fait dans ta tête et dans ton coeur, et puis il y a ce mec qui d'une voix aussi voilée que ta voisine, l'épouse de Kacem,  laïusse un truc que tu ne piges pas,  pendant qu'à côté un forgeron amblyope frappe mécaniquement  l'enclume de sa masse  colossale.
Ce bruit monotonique ne fait qu'accroître ton angoisse, il y a de quoi devenir schizo.
T'évites pourtant de t'énerver, on ne  sait jamais avec ces forcenés, tu te contentes d'attendre  fiévreusement le terminus.
Une guitare répète inlassablement son motif , un gars tabasse les cymbales de son drumkit, jusqu'ici tout va bien, une porte s'ouvre, un dégénéré apparaît, il tente de s'exprimer d'une voix dénaturée , le fond sonore évolue vers une B O, étrange et dérangeante,  que tu verrais bien accompagner un remake de "One Flew Over the Cuckoo's Nest", ce ' Oh, please' ne risque pas d'entrer dans les meilleures ventes catégorie dream pop.
A l'instar des Swans, Neurosis, Cult of Luna, Kinex Kinex possède à  fond l'art de rendre le cacophonique mélodieux.
Raphaël a probablement suivi des cours accélérés chez Glenn Branca, il n'y a que ça pour expliquer les effets dissonants qu'il balance dans chaque pièce, 'Never Return' ne déroge pas au principe.
You never never never return... répété à l'infini sur bruit de sirènes, de vibrations, de tôlerie, de ponceuses, de souffleries, de claquements de pompe à membrane,  te plonge dans l'univers expressionniste d'un Fritz Lang, dont ' Metropolis' est un exemple frappant.
On attend l'apocalypse et  le Dies Irae qui  mettront fin au carnage!
Sur ' Merit' déjà on entend les cloches qui doivent t'emmener face aux inquisiteurs du jugement dernier, à tes côtés un pauvre gosse occis, lors d'en attentat,  serre fort son nounours en pleurnichant.
Ô monde cruel!
 Le Netherlands 'Centennial Carillon' est un carillon de 62 cloches situé à Victoria, en Colombie-Britannique, merci Wiki!
 Une cloche sonne, sonne,  elle chante dans le vent, obsédante et monotone...oui, Edith, mais ce n'est pas pour Jean-François Nicot, le glas, sinistre, mille fois rabâché,  sonne pour nous tous et les voix que tu perçois en contrepoint, ce sont celles de tous les damnés qui vont t'accueillir dans le monde des ténèbres.
Il y a peu de chances que ' Kamelia' soit  la courtisane imaginée par Alexandre Dumas, c'est peut-être l'hôtesse d'accueil, la nymphe,  qui doit te faire traverser le Styx dans sa barque, car Charon a pris un jour de congé.
 
Générique de fin!
 
Comme l'ouvrage a été réalisé  pendant que la pandémie était à son apogée, on suppose que Raphaël Haubourdin a cherché un exutoire au mal - être ambiant  en exprimant un ressenti proche de la neurasthénie.
 
Artéfact de Kinex Kinex: la noirceur à son paroxysme!
 
Ils nous mentent tous, qu'ils soient   écolos,  fachos, bobos, populistes, communistes, abstentionnistes, mondialistes, idéalistes...  comme le suggère Raphaël, le mensonge régit le monde!